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Dignitas infinita, un appel à vivre à hauteur de sa propre dignité

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Antoine Mekary | ALETEIA

Michel Boyancé - publié le 02/05/24

Enseignant à l’Institut Karol-Wojtyla, le philosophe Michel Boyancé revient sur la déclaration "Dignitas infinita" dont le grand mérite est d’enraciner clairement le concept de dignité dans sa référence objective : la nature humaine. Si personne ne perd jamais sa dignité, souligne le document, chacun est appelé à grandir à hauteur de sa propre dignité, ce qui suppose formation et accompagnement.

La récente déclaration du Dicastère pour la doctrine de la foi, Dignitas infinita (DI) approuvée par le pape François, marque une étape importante, car elle réalise une synthèse bienvenue sur cette notion ancienne, qui demande à être réactualisée régulièrement en raison de l’évolution des sociétés. Il s’agit d’un document doctrinal qui ouvre à un discernement, tant par l’Église elle-même dans sa dimension institutionnelle et pastorale que par les fidèles laïcs engagés dans la vie de la cité dans la dimension prudentielle, personnelle et sociale. Nous retiendrons deux aspects parmi beaucoup d’autres possibles dans ce document riche et argumenté.

La dignité attachée à la nature spécifique de l’être humain

Le premier aspect présente un travail dans la grande tradition philosophique et théologique sur la dignité de tout être humain en tant qu’elle est attachée à sa nature spécifique, reconnue tant par la raison naturelle que par la Révélation. À l’époque contemporaine, du pape Léon XIII au pape François, l’Église a approfondi et mis en lumière cette réalité tant ontologique (ou essentielle) qu’existentielle de la dignité de chaque être humain. Il y urgence, car nous sommes toujours devant un risque de dérive totalitaire des États et des technologies modernes.

L’enjeu de cette déclaration est bien là : à travers la subjectivité de chacun, à travers l’intersubjectivité des relations entre les personnes, l’objectivité de l’être et de sa nature permet le discernement moral, ancré dans le sens du bien et du mal.

Mentionnant à plusieurs reprises saint Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), le document enracine clairement la dignité dans la nature de la personne humaine, qui en est son fondement permanent. Cela demande de la comprendre également dans ses conditions existentielles et historiques de la vie concrète des humains (DI, 7-9), car il ne s’agit pas d’essentialiser, c’est-à-dire de figer, ce qui relève de l’existence hic et nunc des êtres humains demandant une nécessaire adaptation aux situations. Le document fait référence à de nouvelles problématiques, comme celle du genre ou celles posées par l’apparition des technologies du numérique. 

Un fondement objectif

Si l’époque moderne a perçu que la dignité permet les droits, elle tend néanmoins à la fonder sur une pure liberté absolue, sans limites, la coupant de l’être même de la personne, de l’unité corporelle et spirituelle de son bien (DI, 25-26). Le rappel de cette origine ancienne, y compris, bien imparfaitement mais réellement, à partir de l’Antiquité, conduit à l’approfondir, sans pour autant rejeter la nature humaine — tendance bien moderne —, qui reste présente dans toutes les situations contingentes et singulières de l’existence. 

L’enjeu de cette déclaration est bien là : à travers la subjectivité de chacun, à travers l’intersubjectivité des relations entre les personnes, l’objectivité de l’être et de sa nature permet le discernement moral, ancré dans le sens du bien et du mal. Interpellant le personnalisme contemporain (DI, 13-16), l’Église y voit un souci légitime de tenir compte de la singularité de la personne, à condition de ne pas perdre de vue la dimension ontologique de sa nature, fondant la vérité et la bonté de son agir. Le fait que la déclaration passe en revue presque tous les sujets actuels de violation de cette dignité manifeste cette exigence (tout le chapitre 4) : le drame de la pauvreté, la guerre, le travail des migrants, la traite des personnes, les abus sexuels, les violences contre les femmes, l’avortement, la gestation pour autrui, l’euthanasie et le suicide assisté, la mise au rebut des personnes handicapées, la théorie du genre, le changement de sexe, la violence numérique. 

Se libérer des conditionnements par une formation à la vertu

Comme nous l’avons dit, poser les principes de doctrine ne suffit pas, il faut prendre des décisions, liées à la vertu de prudence, afin de faire cesser ces violences dans la perspective de la justice et du bien commun. C’est un sujet que la déclaration n’aborde pas en tant que tel, et qui en est le prolongement nécessaire. Ces devoirs et obligations en symétrie des droits demandent éducation et formation à la vertu afin de permettre les conditions d’une culture de la vie et de la dignité. Ainsi, le deuxième aspect que nous souhaitons souligner est mentionné dans un paragraphe de la déclaration : 

“Chaque personne est en effet appelée à manifester sur le plan existentiel et moral la portée ontologique de sa dignité dans la mesure où, avec sa propre liberté, elle s’oriente vers le vrai bien, en réponse à l’amour de Dieu. Ainsi, étant créée à l’image de Dieu, la personne humaine d’une part ne perd jamais sa dignité et ne cesse d’être appelée à accueillir librement le bien ; d’autre part, dans la mesure où la personne humaine répond au bien, sa dignité peut se manifester, grandir et mûrir librement, de manière dynamique et progressive. Cela signifie que l’être humain doit aussi s’efforcer de vivre à la hauteur de sa propre dignité” (DI, 22).

Ainsi, la dignité de l’être humain consiste également dans “la capacité, inhérente à la nature humaine elle-même, d’assumer des obligations à l’égard d’autrui” (DI, 27). 

Éduquer la liberté

Le chapitre de la déclaration intitulé “Libération de l’être humain des conditionnements moraux et sociaux”, permet de comprendre ce qu’est une formation à la vertu réciproque et partagée, un accompagnement qui rend digne celui qui accompagne tout autant que la personne accompagnée. La déclaration rappelle que nombre d’abus de toute sorte trouvent leur source dans l’oubli de toutes les dimensions de la dignité de l’être humain et de l’inviolabilité de sa conscience. Quels que soient les états et les étapes de la vie, se former, être accompagné et accompagner est nécessaire, surtout aujourd’hui où un relativisme prégnant risque de nous éloigner de la recherche — et même du simple désir — du bien, du vrai et du beau au service du bien commun. Car faute de référence et de finalité communes, le respect de la liberté et de la dignité s’en trouvera diminué, comme le disait Benoît XVI, cité par Dignitas infinita (n. 30) : 

“Une volonté qui se croit radicalement incapable de rechercher la vérité et le bien n’a plus de raisons objectives ni de motifs pour agir, sinon ceux que lui imposent ses intérêts momentanés et contingents, elle n’a pas une “identité” à conserver et à construire en opérant des choix vraiment libres et conscients. Elle ne peut donc revendiquer le respect de la part d’autres “volontés”, elles aussi détachées de leur être plus profond et qui, de ce fait, peuvent faire valoir d’autres “raisons” ou même aucune “raison”. L’illusion que l’on puisse trouver dans le relativisme moral la clé d’une coexistence pacifique, est en réalité l’origine des divisions et de la négation de la dignité des êtres humains.”

Pratique :

Le diplôme universitaire d’anthropologie de l’Institut Karol-Wojtyla.

Tags:
Dignité humainedoctrineÉglise
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