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L’Ascension contre les révolutions

Ascension, Gustave Doré, Jésus, Christ, montée au ciel, anges

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Gustave Dore (France, 1832-1883) : L’Ascension, 1879 - Peinture, Huile sur toile - Petit Palais, Paris / Aurimages

Jean-François Thomas, sj - publié le 01/05/24

En face de l’esprit révolutionnaire qui veut changer le monde pour changer l’homme, seul le regard qui s’élève d’abord vers le ciel peut se poser sur les choses terrestres d’une manière juste et appropriée.

Il fut un temps où le processus révolutionnaire, né hélas sur notre sol, réduisait ses effets néfastes à la sphère politique, bien qu’essayant toujours de déborder sur les autres domaines puisque l’ennemi à abattre était d’abord le vrai Dieu. Le marxisme, décliné sous toutes ses couleurs, franchit un pas supplémentaire en affirmant qu’il n’existait aucune limite à l’action révolutionnaire et que la politique absorbe la morale. Cette thèse, aussitôt mise en pratique, sera celle de Lénine et de Trotsky lorsque ce dernier écrit à la fin de sa vie, en 1938, Leur morale et la nôtre

Changer la nature humaine

Le philosophe italien Augusto Del Noce, dans un article éclairant datant de 1969, au lendemain de Mai 1968, souligne cette nouveauté à propos du communisme soviétique qui donnera ensuite le ton à tous les mouvements révolutionnaires : 

“Il n’y a pas de séparation entre les fins et les moyens, ces derniers étant organiquement subordonnés à la fin qui se déduit du devenir historique ; toute violence, tout stratagème, tout procédé illégal, toute dissimulation et toute tromperie deviennent donc licites s’ils sont considérés comme nécessaires à la fin” (“Comment se défait un monde”, L’Europa, III, n°38, 1er décembre 1969). 

Une telle assimilation destructrice de la morale par la politique n’est plus la chasse réservée des totalitarismes. Il est facile de repérer le même mouvement dans les régimes démocratiques qui utilisent, en tout ou en partie, des procédés identiques. La société française contemporaine est particulièrement touchée par cette distorsion. En elle se sont rencontrées toutes les énergies révolutionnaires, celles héritées du marxisme, celles léguées par le surréalisme —  à partir de Sade — qui désirait remodeler l’intellect humain en s’alignant sur la doctrine communiste, celles mises en œuvre par le “wokisme” et le féminisme. Le but est toujours sculpté dans le même bois : le changement de la nature humaine. Cette nouvelle révolution copernicienne, beaucoup plus intégrale que la première, désigne toujours un unique adversaire à abattre, quelles que soient par ailleurs les divergences entre les différentes formes de révolution : la Révélation chrétienne et le “système” qui en a découlé. 

Détruire les mœurs

Deux visions de l’homme et du monde s’affrontent : celle qui regarde l’évolution comme critère sacré pour atteindre la fin de la révolution ; celle qui croit en l’immutabilité de la nature humaine, uniquement sauvée par le Christ. Le régime libéral, navigant entre deux eaux, embrasse en fait les principes de la révolution lorsqu’il croit, lui aussi, que la loi morale naturelle peut être transgressée si besoin est, pour conduire l’homme vers le “progrès” : contraception, avortement, gestation par et pour autrui, manipulations génétiques, eugénisme, euthanasie etc. Ayant constaté l’échec de la transformation économique tant rêvée, les révolutionnaires — y compris ceux, bourgeois, aux méthodes plus douces — ont vite compris que les mœurs étaient le fer de lance à fragiliser et à détruire. Un manifeste du Parti communiste italien des années 1960 attaque directement la morale chrétienne en proposant Sade et Freud pour ouvrir une brèche dans le rempart chrétien et, ainsi, remplacer le christianisme par une autre doctrine et une éthique à l’inverse de ses valeurs (in Tracts surréalistes et déclarations collectives, 1922-1969, “Rupture inaugurale”). 

Regarder d’abord vers le ciel

Être au clair avec la conception révolutionnaire qui a imbibé toutes les mentalités et toutes les institutions — y compris, parfois inconsciemment, celles qui pensent se situer aux antipodes — permet de redonner la priorité à ce qui le mérite. Deux conceptions se font face : changer l’homme, et, par suite changer en partie le monde à travers lui ; ou bien changer le monde et, par ricochet, créer un nouvel homme. La première est chrétienne, la seconde est révolutionnaire (de couleur rouge, rose, brune ou noire). La première respecte la personne et sa liberté ; la seconde préfère les idéaux sans souci des dégâts majeurs et collatéraux. Le dernier mot pour l’homme n’est point la transformation des structures matérielles, très secondaires. Il est contenu dans l’Ascension, apothéose de la Résurrection. Seul le regard qui s’élève d’abord vers le ciel peut ensuite se poser sur les choses terrestres d’une manière juste et appropriée. 

Lever les yeux vers le ciel, pour se nourrir de la transcendance socle de toute la création, est un exercice devenu rare et périlleux. Les sociétés occidentales ont voulu en faire l’économie en réclamant et en déclarant leur pleine autonomie.

Notre époque manque de lumière car elle ne veut plus s’exposer à l’illumination, à la théophanie de ces événements de la vie du Christ. Elle choisit de se cantonner dans le monde connu, rétréci, confus et sombre. Notre mentalité révolutionnaire a décidé que nous pouvons transformer le monde, et même le monde moral. Elle a pour assise la négation : des valeurs permanentes, de la religion, de la métaphysique, de la morale, de la tradition c’est-à-dire de ce qui est transmis. Augusto Del Noce utilise là aussi le bistouri pour découvrir les ressorts d’une telle chute et ses conséquences : 

“Que reste-t-il après toutes ces destructions ? L’atome social, l’homme qui est entièrement réduit à sa fonction, à un organisme à la finalité duquel il ne peut du reste participer, parce qu’elle s’épuise dans la pure activité de produire. La réification a atteint son degré le plus haut ; mieux, elle est devenue principe universel” (“La mort du sacré”, L’Europa, IV, n. 22/23, 30 septembre 1970). 

Consolider sa vie intérieure

Pas étonnant que le résultat soit la substitution de l’assistanat à la charité, du sexe à l’amour, de l’hédonisme à l’esprit de sacrifice, etc. Lever les yeux vers le ciel, pour se nourrir de la transcendance socle de toute la création, est un exercice devenu rare et périlleux. Les sociétés occidentales ont voulu en faire l’économie en réclamant et en déclarant leur pleine autonomie. Elles ont déraciné leur apport en oxygène. À la place du christianisme ainsi maltraité, elles ont laissé s’installer des “spiritualités” de substitution, d’origine orientale, mais aussi tous types de sorcellerie, de spiritisme, sans parler de la progression de l’islam qui s’installe là où se trouve le vide et la lâcheté. L’harmonisation de vérités partielles, de parcelles de vérité, en une synthèse supérieure, est une utopie lorsque nous sommes en présence d’un système philosophique et politique qui nie ou relativise l’apport essentiel de la Révélation chrétienne.

Si saint Luc, dans les Actes des Apôtres, insiste sur le regard des disciples fixé sur les nuées au sein desquelles le Maître venait de disparaître, ce n’est pas hasard d’écriture. Il connaît l’opposition du monde à la vérité, et il montre ainsi que tout chrétien doit prioritairement consolider sa vie intérieure par la contemplation du surnaturel, avant de pouvoir, à l’invitation des anges, se détacher pour envisager, dans un second temps, l’action concrète et terrestre. Que nous le voulions ou non, nous sommes des citoyens du ciel, et non point des “citoyens du monde” anonymes et interchangeables, chair à canon de toutes les révolutions.

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Ascension
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